Ce que nous savons de la mort de Yaya Dillo

Yaya Dillo l'opposant Tchadien assassiné le 28 février 2024 dans la capitale par les soldats

L’opposant tchadien et cousin au président de transition Yaya Dillo a été tué officiellement des suites des blessures après l’assaut des forces de l’ordre au siège de son parti, le Parti socialiste sans frontière (Psf). Le calme semble revenir progressivement dans le pays mais la population reste, pour le moins qu’on puisse dire, sur le qui-vive.

Un semblant de vie reprend petit à petit à N’Djaména, après un début de semaine dramatique après l’assaut qui a coûté la vie, « à 7 personnes » dont le président du Parti socialiste sans frontière Yaya Dillo Djérou. Dans la capitale où l’internet a été coupé pendant trois jours et les appels téléphoniques ainsi que les services de messagerie perturbés, l’émotion et la stupeur restent vivaces. « Croire que les gens (Ndlr : proches du défunt) sont passés à autre chose sera une erreur. Nous sommes sur un volcan qui risque de s’exploser à tout moment », témoigne un N’Djaménois sous l’anonymat.

Le debut de l'evenement

Tout remonte dans la nuit du 27 février lorsque le secrétaire chargé des finances du Parti socialiste sans frontières (Psf), Abakar Torabi a été touché par balles devant une grillade, située au bord du Boulevard du Maréchal du Tchad Idriss Deby Itno, à l’embouchure du Canal des Jardiniers. Ce cadre du Psf sera accusé de tentative « d’assassinat » contre le président de la cour suprême Samir Adam Annour, le 19 février dernier. « La situation a pris une tournure dramatique avec une attaque délibérée des complices de cet individu, menée par les éléments du Psf et à leur tête le président Yaya Dillo contre les locaux de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat (Anse) », précise le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, sans donner de chiffres exacts de cette attaque. Si Abderaman Koulamallah assurait dans la nuit du 27 au 28 février que « la situation est totalement sous contrôle », tout partira en vrille le lendemain.

« Des militaires nous encerclent au siège de Klémate »

C’est le dernier post sur le réseau social Facebook de l’opposant Yaya Dillo, retranché avec ses proches au bureau de son parti. Comme une prémonition, l’opposant avoue à la veille de son décès : « ma personne est visée. Souvenez-vous, c'est à cette même date d'anniversaire du 28 février 2021 qu'ils ont fait la même chose chez moi. Nous avons fait preuve de naïveté en parlant de pardon ». L’internet étant coupé dans la matinée du 28 février, les rumeurs de sa mort qui couraient dans tout le pays seront confirmées le mercredi 29 février par le procureur de la République du Tchad.

Une unité de l'armée tchadienne

Devant les diplomates accrédités au Tchad, la secrétaire d’État aux Affaires étrangères et des Tchadiens de l’étranger annonce que les forces de l’ordre sont instruites d’arrêter « l’investigateur en chef de l’attaque, en la personne de Yaya Dillo, qui a opposé une résistance ». « Malheureusement, il a trouvé la mort (…). Cette attaque (…) a pour objectif de perturber le processus de la transition dont le dernier virage est amorcé avec l’annonce du chronogramme des élections présidentielles », ajoute Housna Kassiré Isabelle qui demande aux diplomates de soutenir le gouvernement dans son engagement « à faire respecter l’Etat de droit et continuer à l’accompagner vers une fin de transition apaisée, aboutissant à des élections libres, crédibles et transparentes ».

Si le processus électoral suit son cours avec l’investiture ce samedi 2 mars de Mahamat Idriss Déby Itno comme candidat d’une vaste coalition de plus de 200 partis politiques à la présidentielle, la mort de Yaya Dillo représente sans langue de bois un mauvais signal pour les élections à venir », même si les autorités de transition se montrent optimistes.

La Ctddh appelle à une enquête indépendante et la Ceeac exprime son inquiétude

Pour l’heure, ni la France, principal allié du pays et ni mêmes les Etats-Unis, l’un des principaux partenaires du Tchad en matière de sécurité n’ont réagi à ces tragiques événements. La Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (Ctddh) a demandé l’ouverture d’une enquête « approfondie, indépendante et impartiale » pour faire la lumière sur ces événements. Elle invite par ailleurs, le gouvernement à faire preuve de « discernement » et à faire « usage des moyens proportionnés pour résoudre tous les mécontentements ».

Le facilitateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) pour le processus de transition politique au Tchad et président de la République démocratique du Congo (Rdc) se dit consterner et « condamne (…) ces actes d’extrême violence, de nature à perturber le processus de transition politique auquel le peuple a adhéré et dont il attend le dénouement à travers l’élection présidentielle prévue le 6 mai 2024 ». Felix Antoine Tshisekedi appelle par ailleurs les acteurs politiques et sociaux de tout bord « à la retenue et à privilégier les moyens pacifiques de règlement des différends ».

Dans un contexte de transition tendue marqué d’un côté par la hausse des prix des produits pétroliers et de l’autre par des bruits de bote, ce crime commis sur l'opposant Yaya Dillo ne représenterait-il pas un risque à quelques jours de la présidentielle? Wait and see!